Yémen : les avancées des forces pro-Émirats redistribuent les cartes régionales
Au Yémen, le Conseil de transition du Sud (CTS), soutenu par les Émirats arabes unis, contrôle désormais la majeure partie du sud du pays, y compris le vaste gouvernorat de Hadramaout, qui représente à lui seul un tiers du territoire. Ces avancées éclair, qui ont permis au CTS de s’emparer des institutions d’Aden, capitale de facto, marquent un recul significatif de l’influence saoudienne.
Pour Maysaa Shuja Al-Deen, chercheuse au Centre pour les recherches stratégiques de Sanaa, ces développements pourraient profondément modifier l’équilibre des forces au Moyen-Orient.
Un revers stratégique pour l’Arabie saoudite
La percée des forces pro-Émirats isole davantage Riyad, qui ne contrôle plus qu’une infime partie de sa longue frontière de 1 500 km avec le Yémen.
« Les Émirats arabes unis ont donné une gifle aux Saoudiens », estime la chercheuse. Cette progression accentue les tensions entre les deux alliés historiques, dont la rivalité d’influence au Yémen prend désormais la forme d’un véritable antagonisme.
Ces évolutions inquiètent aussi l’Iran, qui soutient les rebelles houthistes au nord, ainsi que plusieurs grandes puissances régionales — l’Égypte, la Turquie, Oman — hostiles à toute dynamique séparatiste.
Oman, en particulier, se retrouve encerclé par des forces pro-Émirats, une situation jugée « alarmante ».
Des Émirats déterminés, une Arabie saoudite prise de court
Selon Maysaa Shuja Al-Deen, Abou Dhabi agit de manière « audacieuse et agressive », sans chercher à ménager ses partenaires régionaux.
Le Yémen constitue pour Riyad un dossier ultra-sensible :
« En général, si vous voulez agacer les Saoudiens, rien n’est plus efficace que d’agir au Yémen », rappelle-t-elle.
Des rumeurs évoquent une tentative initiale de coordination entre Saoudiens et Émiriens pour redéployer leurs forces, mais les Émirats seraient allés « bien au-delà » de l’accord tacite, prenant Riyad de surprise.
Le résultat : des forces émiriennes mieux préparées, plus nombreuses, et un contrôle territorial rapide sans affrontement majeur.
Un tournant dans la relation Riyad–Abou Dhabi
Ce regain de tension intervient alors que les deux pays soutiennent des camps opposés au Soudan. Selon certains analystes, Riyad aurait sollicité l’intervention de Donald Trump pour pousser Abou Dhabi à cesser son soutien au général Hemedti.
« Il est clair que la rivalité d’influence s’est transformée en conflit — même s’il n’est pas ouvert », analyse la chercheuse.
Un mouvement séparatiste réel mais traversé par des divisions
Avant la guerre, une part importante de la population du sud du Yémen soutenait déjà le projet d’indépendance. Les Émirats ont capitalisé sur cette aspiration en renforçant le CTS.
Mais les équilibres internes restent fragiles :
le pouvoir au sein du Conseil est concentré entre les mains d’acteurs issus d’une seule région du Sud, au détriment d’autres leaders locaux.
Ces divisions pourraient offrir, à terme, des marges de manœuvre à l’Arabie saoudite.



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