Venezuela : Chevron entre sanctions américaines, rivalités internationales et enjeu stratégique du pétrole

La firme pétrolière Chevron demeure un acteur clé dans le bassin pétrolier de l’Orénoque au Venezuela, malgré les tensions entre Caracas et Washington. Entre sanctions économiques, changements de politique américaine et concurrence chinoise, le géant américain s’efforce de maintenir sa présence dans le pays.

Une présence historique au Venezuela

Chevron est implantée au Venezuela depuis 1923. Alors que d’autres compagnies américaines ont quitté le pays après la nationalisation du pétrole en 2007 par Hugo Chávez et la création de coentreprises avec la compagnie nationale PDVSA, Chevron a choisi de rester, grâce notamment aux bonnes relations entretenues à l’époque avec Ali Moshiri, alors responsable des opérations en Amérique latine et en Afrique.

Depuis 2019, Caracas et Washington n’ont plus de relations diplomatiques officielles, après la contestation par les États-Unis de la réélection de Nicolas Maduro. Washington a imposé des sanctions économiques strictes, incluant un embargo pétrolier.

Entre révocation et réautorisation de licence

En février 2025, Donald Trump a annoncé la révocation de la licence de Chevron, autorisée sous l’administration Biden pour reprendre ses activités limitées au Venezuela. Exploitant alors environ un quart de la production vénézuélienne avec PDVSA, Chevron continuait d’assurer la maintenance de ses installations sur place. La licence a été révoquée en mai, puis réactivée en juillet, permettant au géant américain de reprendre l’exploitation pétrolière.

Selon Francisco J. Monaldi, expert à l’université Rice, Chevron a contribué à hauteur de 80 % à la croissance de la production pétrolière du Venezuela au cours des deux années précédant son interdiction. L’entreprise possède également une expertise unique pour traiter le pétrole très chargé en soufre produit dans le pays, avantage stratégique que ni PDVSA ni ses concurrents ne maîtrisent.

Des restrictions pour limiter l’argent à Caracas

Le retour de Chevron s’accompagne de restrictions : seuls 50 % de la production des coentreprises peuvent être exportés par la société, l’autre moitié étant destinée au gouvernement vénézuélien, qui doit la vendre sur le marché noir. Cette mesure visait à limiter les revenus directs de Caracas, tout en maintenant un approvisionnement stable pour les raffineries américaines, particulièrement dans le Golfe du Mexique.

Olivier Appert, expert pétrolier, souligne : « Les États-Unis ont besoin du pétrole vénézuélien pour des raisons économiques et politiques, notamment pour maintenir des carburants bon marché et stabiliser le vote dans certains États du Sud. »

Pressions politiques et enjeux géopolitiques

Le dossier vénézuélien reste sensible au sein de l’administration américaine. Marco Rubio, secrétaire d’État, privilégie une ligne dure contre Maduro, tandis que d’autres voix plaident pour la négociation. Richard Grenell, conseiller de Trump, s’est rendu au Venezuela pour négocier le maintien des allègements de sanctions, permettant à Chevron d’exporter du pétrole en échange d’accords sur l’expulsion de migrants vénézuéliens.

La firme américaine doit également composer avec la concurrence chinoise, Pékin étant le principal client du brut vénézuélien via la Malaisie. Toute interdiction pour Chevron profiterait indirectement à la Chine, renforçant l’enjeu stratégique de sa présence.

Chevron, un atout pour l’avenir

Malgré les incertitudes politiques et économiques, Chevron a conservé de bonnes relations avec Caracas et Washington. L’entreprise a même fait appel au cabinet de lobbying de Brian Ballard, proche de Donald Trump, pour sécuriser ses intérêts. Pour l’instant, la firme américaine continue de jouer un rôle crucial dans le pétrole vénézuélien, tout en se positionnant pour un retour sur investissement stratégique si le pays venait à connaître un boom pétrolier après un éventuel changement de régime.

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