TotalEnergies visé par une plainte pour « complicité de crimes de guerre » au Mozambique

Le groupe français TotalEnergies fait l’objet d’une plainte déposée à Paris par l’ONG allemande European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) pour « complicité de crimes de guerre, torture et disparitions forcées » au Mozambique. L’association accuse l’entreprise d’avoir financé et soutenu une unité militaire impliquée dans de graves exactions contre des civils entre juillet et septembre 2021, près du site du projet gazier Mozambique LNG.

Accusations de soutien matériel à une unité militaire

Selon l’ECCHR, TotalEnergies aurait apporté un soutien financier et matériel direct à la Joint Task Force (JTF), composée de forces armées mozambicaines. Cette unité aurait, d’après l’ONG, détenu, torturé et tué des dizaines de civils à l’entrée du site gazier. Le projet, dont TotalEnergies est premier actionnaire (26,5 %) et opérateur, était alors en pause après une attaque jihadiste meurtrière sur la ville voisine de Palma.

La plainte – également déposée « contre X » – a été transmise lundi au parquet national antiterroriste, compétent pour traiter les crimes de guerre.

Des documents internes au cœur du dossier

Pour Clara Gonzales, directrice du programme « entreprises et droits humains » à l’ECCHR, TotalEnergies ne peut « opposer son ignorance » face aux accusations visant la JTF. Elle affirme que l’entreprise mentionnait elle-même ces risques dans plusieurs documents transmis à ses financeurs publics.

Ces accusations font suite à une série d’enquêtes publiées depuis 2024 par Politico, SourceMaterial et Le Monde, que TotalEnergies conteste.

Des allégations de torture massives

Selon Politico, des soldats travaillant pour la sécurité du site auraient, lors de la reprise de Palma, enfermé entre 180 et 250 hommes dans des conteneurs, les soupçonnant de liens avec les jihadistes. Ils auraient été battus, affamés et torturés pendant trois mois, seuls 26 survivant aux mauvais traitements.
Mozambique LNG avait assuré n’avoir « jamais reçu d’information » confirmant ces faits.

Le Monde et SourceMaterial ont ensuite révélé que TotalEnergies était informé, dès avril 2021, d’accusations d’exactions commises par la JTF, notamment dans des rapports internes envoyés à un financeur public italien. L’ONG reproche au groupe d’avoir maintenu son soutien logistique à la JTF – logements, nourriture, matériel et primes – tout en conditionnant cet appui au respect des droits humains.

De nouveaux éléments transmis par les Pays-Bas

L’ECCHR affirme disposer de nouveaux documents provenant des autorités néerlandaises, faisant état d’échanges dès mai 2020 entre TotalEnergies, son prestataire de sécurité et l’agence publique Atradius DSB, alertant sur des risques d’abus de la part des forces locales.

Ces révélations ont provoqué plusieurs investigations au Mozambique : une enquête du procureur général, une autre de la Commission nationale des droits humains ainsi que des vérifications menées par des agences de crédit à l’export.

Un projet gazier de 20 milliards de dollars en suspens

TotalEnergies a annoncé fin octobre être prêt à relancer le projet Mozambique LNG, évalué à 20 milliards de dollars, avec une mise en production envisagée en 2029. Son redémarrage dépend toutefois de l’accord du gouvernement mozambicain sur une compensation liée au retard, estimée à 4,5 milliards de dollars.

Le projet avait été suspendu en 2021 après une violente attaque jihadiste dans la province du Cabo Delgado, où le groupe a déclaré la force majeure. La sécurité du site avait alors été confiée à la JTF, avant une rupture de l’accord en octobre 2023.

D’autres procédures en cours en France

Depuis mars, TotalEnergies est également visé par une enquête menée par des juges d’instruction de Nanterre pour « homicide involontaire » et « non-assistance à personne en danger », déposée par des rescapés ou proches de victimes de l’attaque jihadiste de 2021.

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