Taxe Zucman : pourquoi la gauche veut imposer davantage les ultra-riches

Premier volet de notre série sur la taxe Zucman, cette proposition fiscale qui suscite de vifs débats en France. Imaginée par l’économiste Gabriel Zucman et défendue par la gauche en vue du budget 2026, elle vise à instaurer un impôt minimal de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Objectif : rétablir l’équité fiscale face à une constatation préoccupante — les ultra-riches paient, en proportion, moins d’impôts que le reste de la population.


Une mesure ciblée pour les très hauts patrimoines

Depuis plusieurs semaines, la taxe dite « Zucman » est au cœur de l’actualité politique et économique. Soutenue par plusieurs partis de gauche, cette mesure s’adresse à une frange très restreinte de la population : environ 1 800 foyers fiscaux en France disposant d’un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros.

Concrètement, la taxe consisterait à garantir que ces foyers paient, chaque année, au moins 2 % de la valeur de leur patrimoine en impôts. Elle ne s’ajouterait pas nécessairement à l’impôt existant, mais interviendrait comme un plancher fiscal. Si les impôts déjà versés par un ménage très aisé atteignent ce seuil, aucune somme supplémentaire ne serait due. Dans le cas contraire, la différence serait prélevée.

Par exemple, un couple possédant 100 millions d’euros devrait s’acquitter d’au moins 2 millions d’euros par an. Si ses impôts actuels s’élèvent à 1,5 million, il paierait 500 000 euros supplémentaires au titre de la taxe Zucman.


Un système fiscal devenu régressif pour les plus riches

La proposition s’appuie sur les résultats d’une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), publiée en 2023. Celle-ci révèle que le système fiscal français, généralement progressif, devient régressif pour les très hauts revenus.

Selon l’étude, le taux d’imposition effectif (impôts directs tous confondus) s’élève à environ 46 % pour la plupart des 0,1 % des Français les plus riches. Mais il chute à 26 % pour les 0,0002 % les plus fortunés.

Une inégalité qui s’explique en grande partie par la nature des revenus de ces contribuables : alors que la majorité des Français sont imposés sur leurs salaires, les ultra-riches tirent principalement leurs revenus de leur capital (placements financiers, dividendes, immobilier). Or, ces revenus sont moins taxés — en particulier depuis la mise en place en 2018 de la « flat tax », un prélèvement forfaitaire unique de 30 %.


Optimisation fiscale : une mécanique bien rodée

Autre levier d’évitement fiscal : l’optimisation via les holdings familiales. Plutôt que de percevoir directement les bénéfices de leurs entreprises, certains contribuables ultra-riches les font transiter par une société mère (la holding), permettant ainsi de bénéficier d’une taxation réduite à 5 % sur certains dividendes.

Ils ne se versent ensuite qu’une faible part de ces bénéfices, laissant le reste dans la holding pour être réinvesti. Ce mécanisme permet de réduire considérablement l’impôt payé sur le capital.


Un enjeu d’équité fiscale

Pour Gabriel Zucman et ses collègues économistes Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard, la taxe proposée vise à restaurer le principe d’égalité devant l’impôt, inscrit dans la Constitution.

« Le moyen le plus efficace pour s’attaquer à ce problème consiste à créer un taux plancher d’imposition », écrivent-ils dans une tribune publiée en juin dans Le Monde. « Cela permettrait de faire contribuer les plus aisés autant que les autres catégories sociales, effaçant ainsi la régressivité actuelle du système. »


Une mesure potentiellement lucrative… mais contestée

Selon les estimations de Zucman, la taxe pourrait rapporter jusqu’à 20 milliards d’euros par an. Un chiffre contesté par d’autres économistes, qui avancent plutôt une fourchette comprise entre 3 et 5 milliards d’euros, en raison d’éventuels « effets comportementaux » : exil fiscal, optimisation, baisse de rentabilité déclarée…


Un débat qui ne fait que commencer

La taxe Zucman est aujourd’hui devenue un marqueur politique. Totem pour la gauche, chiffon rouge pour la droite, elle s’inscrit dans un débat plus large sur la fiscalité des très grandes fortunes, dans un contexte de creusement des inégalités.

Selon le magazine Challenges, le patrimoine cumulé des 500 plus grandes fortunes françaises est passé de 80 milliards d’euros en 1996 à 1 228 milliards en 2024, soit une multiplication par plus de 15 en moins de 30 ans.

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