Présidentielle au Chili : l’extrême droite donnée favorite pour la première fois depuis la fin de la dictature
Les Chiliens se rendent aux urnes ce dimanche pour élire leur prochain président, lors d’un scrutin historique marqué par la percée de l’extrême droite. Trente-cinq ans après la fin de la dictature d’Augusto Pinochet, un candidat ultraconservateur est donné favori pour accéder au pouvoir.
En tête des sondages, José Antonio Kast, avocat de 59 ans et figure de l’extrême droite chilienne, affronte Jeannette Jara, 51 ans, candidate de la gauche et ex-ministre du Travail du président sortant Gabriel Boric. Les bureaux de vote ont ouvert dans la matinée et les premiers résultats sont attendus peu après leur fermeture à 18 heures (21 heures GMT).
Déjà candidat à deux reprises, José Antonio Kast tente pour la troisième fois de conquérir la présidence. Après avoir voté à Paine, à une quarantaine de kilomètres au sud de Santiago, il a été accueilli par des partisans scandant « Kast, président ». Conscient de la forte polarisation du pays, il a appelé à l’unité : « Le vainqueur devra être la présidente ou le président de tous les Chiliens ».
Face à lui, Jeannette Jara, issue du Parti communiste mais soutenue par une large coalition de gauche, a dit aspirer à « un meilleur avenir pour le Chili, un pays où la haine et la peur ne soient pas au premier plan ». Elle promet notamment une hausse du salaire minimum, la défense du système de retraites et un combat renforcé contre le narcotrafic et la corruption.
Au premier tour, organisé mi-novembre, les deux candidats étaient arrivés au coude-à-coude avec environ un quart des suffrages chacun, la gauche devançant légèrement son adversaire. Mais l’ensemble des forces de droite avait alors totalisé près de 70 % des voix, renforçant la dynamique en faveur de José Antonio Kast.
Sécurité et immigration au cœur des débats
La sécurité et l’immigration irrégulière dominent les préoccupations des électeurs, devant les difficultés économiques liées à une croissance atone. « Le pays s’effondre », martèle José Antonio Kast, fondateur du Parti républicain en 2019, qui prône une forte réduction des dépenses publiques.
Dans les bureaux de vote, les opinions reflètent cette polarisation. Arturo Huichaqueo, chauffeur de taxi de 57 ans, dit voter pour Jeannette Jara « pour ne pas perdre les acquis sociaux ». À l’inverse, Ursula Villalobos, femme au foyer de 44 ans, affirme privilégier « le travail et la sécurité » avant les prestations sociales, et soutient le candidat d’extrême droite.
Gregorio Riera, Vénézuélien de 49 ans autorisé à voter en tant que résident, a lui aussi choisi José Antonio Kast. « Je suis venu du Venezuela à cause du communisme, ce n’est pas pour revivre la même chose ici », explique-t-il.
Si les experts soulignent que les perceptions sont parfois en décalage avec la réalité — le Chili restant l’un des pays les plus sûrs d’Amérique latine malgré une hausse des enlèvements et de l’extorsion — le discours sécuritaire trouve un large écho.
L’ombre de Pinochet
Opposé à l’avortement, même en cas de viol, et au mariage homosexuel, José Antonio Kast a toutefois atténué ses positions sociétales les plus conservatrices durant la campagne. Son passé et ses liens assumés avec l’héritage de la dictature continuent néanmoins de diviser.
L’ancienne présidente Michelle Bachelet a exprimé l’espoir que les Chiliens votent « pour que certains droits non seulement ne reculent pas, mais ne soient pas démantelés ». Pour Cecilia Mora, retraitée de 71 ans, José Antonio Kast incarne « un Pinochet sans uniforme », dans un pays où la dictature a fait plus de 3 200 morts et disparus entre 1973 et 1990.
Le candidat ultraconservateur a publiquement soutenu le régime militaire et affirmé qu’Augusto Pinochet voterait pour lui s’il était encore en vie. Selon le politologue Robert Funk, de nombreux électeurs choisiront toutefois Kast « malgré, et non à cause, de son soutien à Pinochet ».
Le verdict des urnes dira si le Chili confirme ce virage conservateur ou s’il choisit de maintenir une trajectoire de gauche dans un pays profondément divisé.



Laisser un commentaire