Guerre en Ukraine : à Bruxelles, l’UE tente de rallier la Belgique à l’utilisation des avoirs russes gelés

Alors que l’Ukraine fait face à un déficit budgétaire massif, la Commission européenne a présenté un plan de financement sur deux ans destiné à soutenir Kiev. L’une des pistes avancées — la mobilisation des actifs russes gelés dans l’Union européenne — se heurte toutefois à la résistance ferme de la Belgique. Pour tenter de lever ces réticences, le chancelier allemand Friedrich Merz se rend ce vendredi 5 décembre en Belgique, où il rencontrera le Premier ministre Bart De Wever ainsi que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Il a d’ailleurs annulé un déplacement prévu en Norvège pour se consacrer entièrement à ce dossier.

Des actifs russes gelés majoritairement en Belgique

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, près de 235 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale russe sont gelés en Europe. La Belgique détient la quasi-totalité de ces avoirs : environ 210 milliards d’euros, placés chez Euroclear, spécialiste du dépôt de titres financiers basé à Bruxelles.

Mercredi 3 décembre, Ursula von der Leyen a présenté le nouveau plan de financement de l’UE pour l’Ukraine. Parmi les options avancées figure l’utilisation d’une partie de ces avoirs russes. Une solution qui divise : Bruxelles souhaite avancer, tandis que la Belgique continue de freiner des quatre fers. L’objectif du déplacement de Friedrich Merz et de la présidente de la Commission est donc clair : infléchir la position belge, selon notre correspondant sur place, Jean-Jacques Héry.

Kiev dépend massivement de l’aide extérieure

Aujourd’hui, près des deux tiers du budget ukrainien sont absorbés par l’effort de guerre. Pour assurer les dépenses essentielles — retraites, salaires des fonctionnaires, services publics — le pays dépend largement de l’appui financier de ses partenaires occidentaux.

Pour accélérer le processus, la Commission a soumis deux options formelles aux États membres.

  • La première, un emprunt commun de l’UE, nécessiterait une adoption à l’unanimité. L’Union lèverait des capitaux sur les marchés, garantis par son budget, pour ensuite prêter ces fonds à l’Ukraine.
  • La seconde, pouvant être adoptée à la majorité qualifiée, serait un « prêt de réparation » spécifiquement lié au futur règlement du conflit.

Si la Commission s’est engagée à mobiliser jusqu’à 100 milliards d’euros pour Kiev, ces fonds ne seraient disponibles qu’à partir du prochain cadre budgétaire, en 2028. Dans l’immédiat, les Vingt-Sept peinent à s’accorder sur un nouveau prêt de 140 milliards d’euros — un projet loin de faire consensus.

Bruxelles redoute un risque financier disproportionné

La Belgique, qui détient la majorité des actifs russes gelés, redoute qu’en cas de défaut ou de contestation juridique, elle doive assumer seule un remboursement équivalant à plus de 20 % de son PIB. Elle exige donc deux garanties avant d’accepter le montage :

  1. Une mutualisation du risque entre tous les États membres, si un arbitrage international donnait raison à Moscou.
  2. La participation de tous les pays ayant gelé des avoirs russes – dont la France – à la garantie du prêt.

Pour Bruxelles, ces conditions ne sont toujours pas réunies. « Nous avons un sentiment de frustration de ne pas avoir été écoutés », a déclaré Maxime Prévot, ministre belge des Affaires étrangères.

Une Belgique isolée dans l’Union

La plupart des États membres soutiennent l’idée de recourir aux avoirs russes, qu’ils considèrent comme un moyen efficace d’aider l’Ukraine sans solliciter davantage les contribuables européens. Reste désormais à convaincre la Belgique, qui se retrouve quasiment seule sur cette ligne.

Ce vendredi soir, Friedrich Merz et Ursula von der Leyen tenteront une nouvelle fois de rassurer Bruxelles en mettant en avant les garanties juridiques prévues par la Commission.

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