Devant les maires de France, le chef d’état-major alerte sur la possibilité d’une guerre et déclenche une tempête politique

Les propos du chef d’état-major des armées, le général Fabien Mandon, ont déclenché de vives réactions mardi lors du congrès des maires de France. En appelant le pays à “restaurer sa force d’âme” et à être prêt à “accepter de perdre ses enfants” pour “protéger ce que l’on est”, le militaire a mis en lumière la volonté du gouvernement de préparer les esprits à une éventuelle guerre — un message qui peine néanmoins à convaincre l’opinion.

Une mise en garde qui fait polémique

Face aux élus locaux, le général a souligné la nécessité d’un sursaut collectif face à un contexte géopolitique jugé de plus en plus instable, notamment depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ses propos ont immédiatement suscité un tollé dans l’opposition.

À gauche, La France insoumise estime qu’“un chef d’état-major ne devrait pas dire ça”, tandis que le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, dénonce des déclarations “va-t-en-guerre”.
À l’extrême droite, Louis Aliot affirme qu’il faut “être prêt à mourir pour son pays”, mais rappelle que la guerre doit être “juste” ou relever de la survie nationale. “Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de Français prêts à aller mourir pour l’Ukraine”, ajoute-t-il.

La ministre des Armées, Catherine Vautrin, a défendu le général Mandon, estimant qu’il était “pleinement légitime” pour évoquer les menaces, et accusant l’opposition d’avoir sorti ses propos de leur contexte.

Une stratégie de sensibilisation engagée depuis des mois

Depuis deux ans, les autorités françaises, comme d’autres gouvernements européens, multiplient les prises de parole pour souligner l’aggravation des risques sécuritaires.
Selon la Revue nationale stratégique 2025, la France doit désormais se préparer “à l’hypothèse d’un engagement majeur de haute intensité dans le voisinage de l’Europe à l’horizon 2027-2030”, ainsi qu’à une recrudescence des attaques hybrides sur son sol.

Dans cette logique, le gouvernement publie ce jeudi un guide “face aux risques”, destiné à informer la population sur les comportements à adopter en cas d’inondation, de cyberattaque… ou de conflit armé.

Une population inquiète mais peu réceptive

Malgré un niveau d’inquiétude élevé — 64 % des Français craignent un débordement du conflit ukrainien vers la France, selon un sondage Elabe de mars 2025 — la population continue de se sentir distante de la guerre.

Pour la chercheuse Bénédicte Chéron, cette perception s’explique par l’histoire : “La représentation de la guerre pour les Français reste très liée à l’invasion du territoire.” Dans un contexte de forte défiance envers les responsables politiques, beaucoup peinent à accepter l’idée d’un engagement massif ou de sacrifices, sauf en cas de menace directe.

La chercheuse du IFRI, Héloïse Fayet, rappelle de son côté que la dissuasion nucléaire n’est pas un bouclier absolu : “Elle ne peut pas nous protéger de toutes les menaces”. Les incursions de drones, les sabotages ou les campagnes de désinformation — ces “actions hybrides” — contournent largement ce dispositif.

Des menaces invisibles qui ne mobilisent pas

Ces attaques hybrides, pourtant de plus en plus fréquentes selon les experts, restent difficilement perçues comme une “vraie guerre” par la population. “Les seuils de perturbation qu’elles franchissent ne sont pas assez élevés pour justifier une mobilisation générale”, estime Bénédicte Chéron.

Dans ce contexte, les propos du général Mandon illustrent la difficulté des autorités à préparer les Français aux réalités d’une éventuelle crise majeure — et la sensibilité extrême du sujet dans le débat public.

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