Budget 2026 : la France face au spectre d’une loi spéciale

L’adoption des budgets 2026 de l’État et de la Sécurité sociale avant la fin de l’année apparaît de plus en plus compromise. Face à des désaccords persistants entre les forces politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’hypothèse d’une loi spéciale se précise. Tour d’horizon des scénarios possibles.


Un vote peu probable avant le 31 décembre

Selon de nombreux parlementaires, les textes budgétaires ne seront pas votés avant la fin décembre. Le gouvernement, dirigé par Sébastien Lecornu, espère encore parvenir à un compromis, mais le temps est compté.

Le Sénat se prononce ce mercredi 26 novembre sur une version remaniée du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), excluant la suspension de la réforme des retraites. La commission mixte paritaire (CMP), prévue dans la soirée, a peu de chances de parvenir à un accord.

Le projet de loi de finances (PLF) rencontre quant à lui un obstacle majeur : sa partie « recettes » a été rejetée quasi à l’unanimité samedi à l’Assemblée nationale, enterrant l’ensemble du texte sans même examiner les dépenses.


Une loi spéciale comme solution de dernier recours

Face à cette situation, la voie d’une loi spéciale semble progressivement devenir la plus probable. Comme l’an dernier, ce dispositif permettrait de collecter les impôts, de financer la Sécurité sociale et d’assurer les dépenses essentielles, tout en poursuivant les discussions budgétaires en 2026.

Bruno Retailleau, ex-ministre de l’Intérieur et président du parti Les Républicains, estime qu’« il vaut mieux une loi spéciale plutôt qu’un budget qui continuerait à affaiblir la France et appauvrir les Français ».

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, rappelle toutefois que la loi spéciale doit rester « un parachute de dernier ressort », permettant d’éviter le défaut de paiement, mais empêchant toute économie ou investissement nouveau.


Le gouvernement tente un compromis par thématique

Malgré tout, le Premier ministre Sébastien Lecornu maintient l’espoir d’un accord. Il prévoit de rencontrer l’ensemble des formations politiques et des partenaires sociaux pour discuter des priorités nationales : déficit, réforme de l’État, énergie, agriculture, sécurité intérieure et extérieure. Des votes par thématique pourraient ensuite permettre d’établir un « cadre de compromis » sur le budget.

Pour mettre la pression, le gouvernement soumettra dès la semaine prochaine à l’Assemblée et au Sénat un vote spécifique sur la défense. La hausse de 6 milliards d’euros de crédits prévue dans la loi de programmation militaire serait en jeu, et Sébastien Lecornu avertit que les armées seraient les « premières victimes » d’un échec budgétaire.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, se dit prêt à coopérer, mais un consensus entre LR et PS semble difficile à atteindre. Dans ce cas, le gouvernement pourrait avoir besoin de l’abstention d’autres groupes parlementaires, comme les écologistes ou les communistes, ce qui n’est pas garanti.


Le retour possible du 49.3

Alors que le Premier ministre a promis de ne pas l’utiliser, certaines voix plaident pour le recours à l’article 49.3, permettant d’adopter le budget sans vote sauf motion de censure. François Hollande et Philippe Juvin (LR) ont exprimé leur soutien à cette option, jugée constitutionnellement légitime.

Selon Éric Coquerel (LFI), Sébastien Lecornu pourrait utiliser le 49.3 si le PS garantissait de ne pas voter la censure. Une telle décision déclencherait immédiatement le dépôt de motions de censure par plusieurs partis d’opposition.


Un scénario politique incertain

L’adoption du budget via le 49.3 placerait le Parlement dans une situation délicate : soit laisser passer le texte, soit renverser le gouvernement. Un éventuel renversement entraînerait une crise politique majeure, remettant le président Emmanuel Macron en première ligne.

À moins de six semaines de la fin de l’année 2025, tout reste possible, entre compromis budgétaire, loi spéciale ou recours au 49.3.

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