Bruxelles : heurts entre agriculteurs et forces de l’ordre lors d’une mobilisation contre l’accord UE-Mercosur

La colère des agriculteurs européens s’est exprimée avec force jeudi 18 décembre à Bruxelles. Près de 7 300 manifestants, selon la police locale, se sont rassemblés dans la capitale belge pour protester contre le projet d’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, au moment même où les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept se réunissaient en sommet. La manifestation a dégénéré en incidents dans le quartier européen, conduisant les forces de l’ordre à y mettre un terme.

Pneus incendiés, jets de pommes de terre et de projectiles ont émaillé la mobilisation, auxquels la police a répondu par des canons à eau et des tirs de gaz lacrymogène. Plusieurs rues ont été envahies par une épaisse fumée noire. Un homme a été grièvement blessé en marge des affrontements.

Manifestation interrompue avant le Parlement européen

Le cortège, parti en milieu de journée de la gare du Nord, devait initialement rejoindre la place du Luxembourg, devant le Parlement européen. Il a toutefois été stoppé au niveau de la petite ceinture, rapporte le quotidien Le Soir. Malgré cela, la tension est restée vive à proximité des institutions européennes, protégées par un important dispositif policier.

Selon la police bruxelloise, la manifestation autorisée s’est déroulée majoritairement dans le calme, accompagnée d’une cinquantaine de tracteurs. En parallèle, environ 950 tracteurs se sont massés dans le quartier européen, provoquant d’importantes perturbations de circulation. Des personnes masquées ont brisé plusieurs vitres d’un bâtiment du Parlement européen, a constaté un journaliste de l’AFP.

Un rejet massif de l’accord UE-Mercosur

Au cœur de la mobilisation : le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Mais les revendications dépassaient ce seul sujet. Taxes sur les engrais, avenir de la Politique agricole commune (PAC) et conditions de concurrence jugées déloyales figuraient également parmi les motifs de mécontentement.

L’accord, négocié depuis près de 25 ans, permettrait à l’UE d’exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux vers l’Amérique latine, tout en facilitant l’entrée sur le marché européen de produits agricoles sud-américains comme la viande bovine, le sucre, le riz, le miel ou le soja. Une perspective qui inquiète fortement les filières agricoles européennes.

Divisions au sein de l’Union européenne

Alors que la Commission européenne et le Brésil, qui assure actuellement la présidence du Mercosur, souhaitent finaliser l’accord avant la fin de la semaine, plusieurs États membres demandent un report. La France et la Pologne s’y opposent, rejointes récemment par l’Italie, tandis que l’Espagne et l’Allemagne soutiennent activement le texte.

« Nous ne sommes pas prêts, le compte n’y est pas pour signer cet accord », a déclaré jeudi le président français Emmanuel Macron depuis Bruxelles. De son côté, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a indiqué qu’il relayerait samedi, lors d’un sommet du Mercosur, la demande de la Première ministre italienne Giorgia Meloni de repousser la signature.

Des inquiétudes multiples chez les agriculteurs

Les agriculteurs européens dénoncent notamment le non-respect, selon eux, des normes environnementales et sociales par les pays sud-américains, ce qui favoriserait une concurrence à bas coût. Ces inquiétudes s’ajoutent à celles liées à la réforme annoncée de la PAC, accusée par certains syndicats d’être « diluée » dans le budget européen.

En France, certains manifestants pointent également la gestion par le gouvernement de l’épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), qui alimente un climat de mécontentement déjà très tendu dans le monde agricole.

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