Accord franco-algérien de 1968 : que contient ce texte que le RN veut remettre en cause ?

Adoptée à la surprise générale jeudi 30 octobre à l’Assemblée nationale, une proposition de résolution du Rassemblement national (RN) relance le débat sur l’accord franco-algérien de 1968. Le texte, voté à une voix près, invite le gouvernement à dénoncer ce traité qui accorde un statut particulier aux ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d’emploi en France.

Un texte au cœur des tensions diplomatiques

Cette initiative intervient sur fond de relations tendues entre Paris et Alger depuis plus d’un an. Elle fait aussi écho à un rapport parlementaire récent, qui propose de remettre en cause les dérogations accordées aux Algériens au nom du principe d’égalité avec les autres étrangers.

Un accord historique signé après la guerre d’Algérie

Conclu le 27 décembre 1968, soit six ans après la fin de la guerre d’Algérie, l’accord franco-algérien visait à organiser les flux migratoires entre les deux pays. À l’époque, la France avait besoin de main-d’œuvre pour soutenir sa croissance économique.

Dans le décret d’application du 18 mars 1969, l’objectif était clair : maintenir un “courant régulier de travailleurs” tenant compte du “volume de l’immigration traditionnelle algérienne en France”.

Aujourd’hui encore, les Algériens forment la première communauté étrangère dans l’Hexagone : près de 650 000 ressortissants étaient recensés en 2024, selon le ministère de l’Intérieur.

Un régime dérogatoire au droit commun

L’accord de 1968, qui relève du droit international, crée un statut spécifique pour les Algériens, distinct du droit commun applicable aux autres étrangers.
Ainsi, ils ne disposent pas de cartes de séjour classiques, mais de “certificats de résidence pour Algérien” — plus de 613 000 délivrés en 2024, selon les chiffres officiels.

Ce régime dérogatoire leur offre plusieurs avantages :

  • Entrée facilitée sur le territoire français, sans obligation de visa de long séjour.
  • Accès rapide à un titre de séjour de dix ans, après trois ans de résidence (contre cinq pour les autres nationalités).
  • Liberté d’établissement pour exercer une activité commerciale ou indépendante.
  • En cas de regroupement familial, les proches obtiennent également un certificat de dix ans dès leur arrivée si la personne qu’ils rejoignent en possède déjà un.

En revanche, ce cadre spécifique les empêche de bénéficier de certains titres récents comme le “passeport talent” ou la carte “étudiant programme de mobilité”. Les étudiants algériens, par exemple, doivent obtenir une autorisation provisoire pour pouvoir travailler.

Un accord modifié, mais jamais remis en cause

L’accord a été amendé à trois reprises — en 1985, 1994 et 2001 — sans que ses grands principes soient remis en question. Le régime dérogatoire reste donc pleinement en vigueur.

Vers une dénonciation ou une renégociation ?

Le vote de la proposition du RN n’a aucune portée contraignante : seul le gouvernement peut décider de dénoncer le traité. Marine Le Pen appelle néanmoins l’exécutif à “tenir compte” du vote.

Certains parlementaires estiment que l’accord est obsolète et qu’il crée une “rupture d’égalité” avec les autres étrangers, tout en entraînant un surcoût pour les finances publiques. Ils pointent également le manque de réciprocité : l’Algérie, de son côté, n’accorde pas de statut comparable aux Français.

Juridiquement, une dénonciation unilatérale par décret serait possible. Mais une telle décision risquerait d’aggraver la crise diplomatique entre Paris et Alger, déjà exacerbée par le soutien d’Emmanuel Macron au Maroc sur le dossier du Sahara occidental.

Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, a d’ailleurs écarté cette hypothèse, plaidant pour des “relations apaisées” avec l’Algérie, notamment pour des raisons sécuritaires.

À court terme, une renégociation de l’accord semble peu probable : Alger s’oppose fermement à toute remise en cause du texte. Le statu quo pourrait donc perdurer, malgré la pression politique croissante de la droite et d’une partie du camp présidentiel.

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