Coup d’État déjoué au Bénin : pourquoi le Nigeria est intervenu pour soutenir Patrice Talon
Le Nigeria est intervenu militairement dimanche 7 décembre au Bénin afin de soutenir les forces loyalistes et d’empêcher une tentative de coup d’État contre le président Patrice Talon. Une opération rapide, illustrant la volonté d’Abuja de s’ériger en rempart contre la vague de putschs qui secoue l’Afrique de l’Ouest et de réaffirmer son rôle de puissance régionale.
Une opération décisive coordonnée depuis Abuja
Alors que des soldats mutins tentaient de s’emparer de points stratégiques à Cotonou – notamment autour de l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB) et dans le camp de Togbin –, des avions de chasse nigérians venus de Lagos ont frappé leurs positions. Le gouvernement béninois a confirmé lundi que cette intervention aérienne, ordonnée par le président Bola Tinubu, avait permis de reprendre le contrôle de la situation.
Selon Abuja, l’opération répondait à deux requêtes officielles du ministère béninois des Affaires étrangères visant à obtenir un soutien aérien immédiat et l’envoi de troupes au sol.
Le Bénin a par ailleurs annoncé l’arrivée de la Force en attente de la Cédéao, composée en premier lieu de soldats nigérians et ivoiriens, tandis que la France a apporté un soutien en matière de surveillance et de logistique.
Un enjeu sécuritaire direct pour Abuja
Pour le président Tinubu, l’intervention s’inscrit autant dans la défense de la démocratie que dans la protection des frontières nigérianes. Le nord du Bénin connaît en effet une dégradation sécuritaire marquée par les incursions du JNIM (lié à Al-Qaïda) et de l’EIGS (branche de l’État islamique), actifs le long des frontières avec le Burkina Faso, le Niger et le Nigeria.
En avril, 54 soldats béninois ont été tués dans des attaques coordonnées du JNIM, un bilan inédit. Les groupes jihadistes opèrent également dans l’ouest du Nigeria, déjà confronté à une recrudescence d’enlèvements par des bandes armées.
« Le Nigeria a considéré que l’intervention au Bénin était essentielle pour sauvegarder sa propre intégrité territoriale », explique Sam Olukoya, correspondant de France 24 à Lagos. Abuja veut éviter la répétition du scénario nigérien : depuis le coup d’État de 2023, les militaires au pouvoir à Niamey coopèrent très peu avec les forces nigérianes contre les groupes jihadistes transfrontaliers.
Le traumatisme du Niger en toile de fond
Le 26 juillet 2023, le renversement du président Mohamed Bazoum par sa garde présidentielle avait profondément marqué Abuja. À l’époque, Bola Tinubu, qui présidait la Cédéao, avait envisagé une intervention militaire pour rétablir Bazoum – une option finalement abandonnée en raison des risques politiques et logistiques.
« Une opération au Niger aurait été beaucoup plus risquée que celle menée au Bénin », souligne Seidik Abba, président du Cires. Les liens ethniques très forts entre les populations du nord du Nigeria et du sud du Niger rendaient toute intervention particulièrement sensible.
La légitimité de l’intervention était également différente : au Bénin, Patrice Talon n’avait pas été renversé et avait officiellement demandé de l’aide.
Un geste pour réaffirmer la puissance nigériane
L’échec de la stratégie de la Cédéao au Niger avait été perçu comme un revers majeur pour Bola Tinubu. Depuis, Niamey, Bamako et Ouagadougou se sont rapprochés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), tournée contre l’influence régionale d’Abuja.
En intervenant au Bénin, le Nigeria cherche à restaurer son statut de leader régional. « Cette opération ravive l’hégémonie passée du Nigeria au sein des forces de la Cédéao », analyse Niagale Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network. Abuja avait déjà dirigé plusieurs interventions majeures dans la région, du Liberia à la Gambie.
La décision de Tinubu est aussi un message adressé aux putschistes potentiels : dans une région marquée par une série de coups d’État depuis 2020, le Nigeria entend défendre la stabilité institutionnelle… y compris pour prévenir toute velléité interne, alors que des rumeurs de tentative de putsch avaient récemment circulé à Abuja.



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